Le Précambrien, dont la durée correspond aux 7/8e des temps géologiques, n’est pas le désert azoïque imaginé par les naturalistes qui fixaient le début des temps fossilifères au Cambrien, soit il y a 550 millions d’années (550 Ma). L’échelle des temps géologiques représentée à la figure 1.1 situe les différentes périodes citées. Bien que discrets et toujours trop rares, les documents fossiles de la Terre primitive ont permis d’améliorer notre connaissance de la vie et de son évolution. Ce chapitre traite tout d’abord des renseignements apportés par les roches sédimentaires précambriennes les plus anciennes, puis des premières traces et des premières formes de vie, enfin du développement d’une atmosphère oxydante qui a imprégné irréversiblement soit la matière minérale, soit la physiologie de cellules dont les adaptations anciennes sont encore repérables aujourd’hui. Tous ces faits d’observation plaident en faveur d’une théorie scientifique de l’évolution de la vie, car ils s’y intègrent et s’y enchaînent plus facilement que dans une autre théorie.
Les archives paléontologiques constituent les seuls témoins objectifs de cette évolution. Mais les sites fossilifères sont rares, car la fossilisation nécessite des conditions physico-chimiques particulières : enfouissement rapide et environnement anoxique. Ils sont d’autant plus utiles lorsqu’ils ont conservé les traces des parties molles des organismes. La fossilisation des animaux est souvent incomplète ; les chairs se décomposent rapidement sous l’action principale des Bactéries et des Champignons aérobies. Si les organismes sont sans squelette ni test minéralisé (Vers ou Méduses, mais aussi Insectes bien que leur cuticule résiste mieux aux différentes attaques), il ne subsiste plus aucun renseignement sur leur anatomie ; seules restent parfois des traces de leur activité. Sporadiquement, les organismes dépourvus de squelette interne ou externe donnent des fossiles d’une qualité remarquable à la faveur, par exemple, d’épigénie siliceuse ; au cours de ce phénomène, les molécules de silice remplacent point par point les molécules organiques : les détails des organisations externes ou internes sont d’une finesse exceptionnelle. Dans le cas des organismes unicellulaires précambriens, minuscules et le plus souvent dépourvus de squelette, ce processus fossilifère est particulièrement précieux. Les animaux dotés d’un endo- ou d’un exosquelette ne sont pas à l’abri d’une disparition complète ; selon des expériences spécifiques, dans un milieu naturel ordinaire, des Crevettes sont entièrement détruites en deux semaines environ. Le squelette minéralisé de différents animaux (par exemple, les os de Vertébrés) se fossilise plus facilement, mais l’événement demeure malgré tout exceptionnel. Trois mécanismes non exclusifs désintègrent complètement le squelette :
– La dissolution, due aux acides (acides carbonique, nitrique, phosphorique…) ou au sulfure d’hydrogène, produits issus surtout de la dégradation des composés carbonés. Cinq ans suffisent pour détruire 50 % d’un échantillon coquillier.
– La biocorrosion, due principalement à des microorganismes tels que les Bactéries, les Champignons ou les Cyanobactéries (appelées autrefois, à tort, Cyanophycées) ; le processus est semblable à celui de la dissolution.
– L’abrasion mécanique, prépondérante, par exemple, dans la zone de balancement des marées (zone intertidale) où vivent 95% des organismes marins.
En 1978, John William SCHOPF a testé les capacités de fossilisation de la faune intertidale : 40 % des genres conservés in vivo étaient composés principalement d’organismes sessiles. L’image du milieu donnée par les fossiles est donc souvent déformée. Les roches fossilifères les plus anciennes ont cependant livré quelques belles découvertes.